Imaginez un jardinier passionné déterrant ses carottes avec amour, pour les retrouver grignotées de l'intérieur par un petit rongeur insoupçonné : la campagnole. Ces petits mammifères, souvent discrets, jouent un rôle important dans nos écosystèmes, mais leur régime alimentaire peut également causer des soucis dans les jardins et les cultures agricoles. Comprendre ce qu'elles mangent, quand et comment, est essentiel pour minimiser les dégâts et favoriser une cohabitation harmonieuse.
Nous allons explorer leur régime herbivore varié, les facteurs qui l'influencent, les conséquences de leur alimentation sur l'environnement et l'agriculture, et enfin, les méthodes de prévention et de lutte respectueuses de ces petits animaux. Nous aborderons en particulier la lutte biologique.
La campagnole, un rongeur herbivore méconnu
Les campagnoles sont de petits rongeurs appartenant à la famille des Cricetidae, souvent confondues avec les mulots ou les rats. Elles se distinguent par leur corps trapu, leur queue courte et leurs petites oreilles. Leur pelage varie du brun clair au gris foncé, en fonction de l'espèce et de leur habitat. Ce sont des herbivores, ce qui signifie que leur alimentation est principalement composée de végétaux.
Description et espèces courantes
Leur morphologie est adaptée à leur mode de vie souterrain ou semi-souterrain. On dénombre plusieurs espèces de campagnoles en France, parmi lesquelles le campagnol des champs ( Microtus arvalis ), le campagnol terrestre ( Arvicola terrestris ) et le campagnol amphibie ( Arvicola amphibius ). Le campagnol des champs, comme son nom l'indique, affectionne les prairies et les champs cultivés, tandis que le campagnol terrestre préfère les zones humides et les berges des cours d'eau. Certaines espèces, comme le campagnol terrestre, sont souvent considérées comme plus problématiques en raison de leurs habitudes de creuser des galeries et de se nourrir des racines des plantes cultivées.
Pourquoi cet article est important
L'alimentation des campagnoles a un impact significatif sur les cultures et les jardins. Elles peuvent causer des dégâts considérables en se nourrissant des racines, des tubercules et des bulbes des plantes. Connaître leurs habitudes alimentaires est donc crucial pour mettre en place des stratégies de prévention et de lutte efficaces. De plus, la présence des campagnoles peut avoir des conséquences sur la biodiversité et l'équilibre des écosystèmes. Une bonne compréhension de leur rôle dans l'environnement est donc essentielle pour une gestion durable de leur population.
Le menu de la campagnole : un régime herbivore varié
Bien que principalement herbivores, les campagnoles ne se limitent pas à un seul type de plante. Leur régime alimentaire est en réalité assez varié et s'adapte en fonction de la saison et de la disponibilité des ressources. Elles consomment principalement des herbes et des racines, mais aussi des fruits, des graines et des écorces.
Les bases de l'alimentation : herbe et racines
L'herbe constitue la base du régime alimentaire de la plupart des campagnoles, particulièrement pendant les mois chauds. Elles consomment une grande variété de graminées et de dicotylédones. Les racines, les tubercules et les bulbes sont également très appréciés, surtout pendant l'hiver, lorsque l'herbe se fait plus rare. Les carottes, les pommes de terre, les bulbes de tulipes et de jonquilles sont autant de mets pour ces petits rongeurs. Cette préférence pour les racines est ce qui les rend particulièrement problématiques pour les agriculteurs et les jardiniers.
- Graminées : Pâturin des prés, fétuque élevée, ray-grass anglais.
- Dicotylédones : Trèfle, pissenlit, luzerne.
- Racines et tubercules : Carottes, pommes de terre, topinambours.
Les compléments saisonniers : fruits, graines et écorces
En complément de leur régime de base, les campagnoles consomment également des fruits, des graines et des écorces, en fonction de la saison et de la disponibilité. Les fruits tombés, comme les pommes et les poires, sont une source de nourriture intéressante en automne. Les graines de céréales et les graines sauvages, comme celles du tournesol et du chardon, sont également appréciées. En hiver, lorsque la nourriture se fait rare, les campagnoles peuvent ronger les écorces des arbres et des arbustes. Ce comportement, appelé "rongement annulaire", peut causer des dégâts importants, voire la mort des arbres.
- Fruits : Pommes, poires, prunes, baies sauvages (mûres, framboises).
- Graines : Blé, orge, avoine, tournesol, chardon.
- Écorces : Jeunes arbres fruitiers (pommiers, poiriers), arbustes ornementaux.
L'eau : une nécessité vitale
Comme tous les êtres vivants, les campagnoles ont besoin d'eau pour survivre. Elles s'hydratent principalement en consommant des plantes, qui contiennent une grande quantité d'eau. Elles peuvent également boire la rosée ou trouver des points d'eau dans leur environnement. L'accès à l'eau est particulièrement important pendant les périodes sèches, lorsque les plantes se dessèchent et deviennent moins nutritives. Le campagnol amphibie, par exemple, vit à proximité des cours d'eau, ce qui lui permet d'avoir un accès constant à l'eau.
- Plantes : La plupart des plantes contiennent une quantité importante d'eau.
- Rosée : La rosée matinale peut être une source d'hydratation importante.
- Points d'eau : Les cours d'eau, les étangs et les flaques d'eau sont des sources d'eau essentielles.
Digestion : adaptation au régime herbivore
Le système digestif des campagnoles est adapté à leur régime herbivore. Elles possèdent un caecum développé, une poche située entre l'intestin grêle et le gros intestin, qui leur permet de digérer la cellulose, le principal constituant des parois cellulaires des plantes. Certaines espèces de campagnoles pratiquent également la coprophagie, c'est-à-dire qu'elles consomment leurs propres excréments. Ce comportement leur permet de maximiser l'absorption des nutriments, en particulier des vitamines B produites par les bactéries présentes dans leur système digestif. Cette adaptation leur permet de tirer le maximum de nutriments de leur régime alimentaire principalement composé de végétaux.
Facteurs influençant le régime alimentaire des campagnoles
Le régime alimentaire des campagnoles n'est pas figé. Il est influencé par plusieurs facteurs, tels que la disponibilité alimentaire, les préférences individuelles et par espèce, et les interactions avec d'autres espèces.
Disponibilité alimentaire : saisonnalité et environnement
La disponibilité alimentaire est le principal facteur qui influence le régime alimentaire des campagnoles. En hiver, lorsque l'herbe se fait rare, elles se rabattent sur les racines, les tubercules et les écorces. Au printemps et en été, lorsque l'herbe abonde, elles se nourrissent principalement de feuilles et de tiges. L'environnement joue également un rôle important. Dans les prairies et les champs cultivés, les campagnoles auront accès à une grande variété de plantes herbacées. Dans les forêts, elles se nourriront davantage d'écorces, de graines et de fruits.
Les populations de campagnoles fluctuent en fonction de l'abondance de la nourriture. Lorsqu'il y a beaucoup de nourriture disponible, les populations augmentent rapidement. Lorsque la nourriture se fait rare, les populations diminuent. Ces cycles de population peuvent avoir des conséquences importantes sur l'agriculture et la biodiversité.
Préférences individuelles et par espèce
Bien que toutes les campagnoles soient herbivores, certaines espèces ont des préférences alimentaires plus marquées que d'autres. Par exemple, le campagnol des champs se concentre davantage sur les herbes et les céréales, tandis que le campagnol terrestre préfère les racines et les tubercules. Il existe également des préférences individuelles au sein de chaque espèce. Certaines campagnoles peuvent préférer une certaine variété d'herbe ou une certaine espèce de fruit.
Bien qu'il soit difficile de généraliser, on peut observer que certaines plantes semblent plus appétissantes que d'autres pour les campagnoles. Par exemple, les bulbes de tulipes sont souvent plus touchés que ceux de jonquilles. De même, les jeunes arbres fruitiers sont plus susceptibles d'être rongés que les arbres plus âgés.
Interaction avec d'autres espèces : compétition et prédation
Les campagnoles partagent leur habitat avec d'autres espèces de rongeurs, comme les mulots et les souris. Ces espèces peuvent entrer en compétition pour la nourriture, en particulier pendant les périodes de pénurie. La prédation joue également un rôle important dans le comportement alimentaire des campagnoles. Les oiseaux de proie, les renards et les chats sont autant de prédateurs qui chassent les campagnoles. Pour se protéger de ces prédateurs, les campagnoles ont tendance à s'alimenter dans des zones plus sécurisées, comme les galeries souterraines ou les zones couvertes par la végétation.
Conséquences de l'alimentation des campagnoles : impacts sur l'environnement et l'agriculture
L'alimentation des campagnoles a des conséquences importantes sur l'environnement et l'agriculture. Elles peuvent causer des dégâts considérables dans les jardins et les cultures, mais elles jouent également un rôle important dans l'écosystème.
Dégâts dans les jardins et les cultures
Les campagnoles peuvent causer des dégâts importants dans les jardins et les cultures en se nourrissant des racines, des tubercules, des bulbes et des écorces des plantes. Les légumes, les fruitiers et les céréales sont particulièrement touchés. Elles peuvent consommer les racines des jeunes plants, ce qui entraîne leur mort. Elles peuvent également détruire les bulbes de fleurs, ce qui empêche leur floraison. Le rongement des écorces peut également causer des dégâts importants, voire la mort des arbres.
Les cultures les plus touchées sont :
- Légumes : Carottes, pommes de terre, salades.
- Fruitiers : Pommiers, poiriers, noisetiers.
- Céréales : Blé, orge, avoine.
Impact sur la biodiversité
L'alimentation des campagnoles peut également avoir un impact sur la biodiversité. Elles peuvent consommer des plantes indigènes rares ou menacées, ce qui peut contribuer à leur disparition. Elles peuvent également modifier la composition de la végétation en sélectionnant les plantes consommées et non consommées. Par exemple, la consommation par le campagnol terrestre de certaines espèces de gentianes de montagne (Gentiana nivalis, G. campestris) peut localement impacter leur capacité de reproduction et donc leur présence dans les prairies d'altitude. De même, le campagnol des champs peut affecter certaines espèces de graminées prairiales en modifiant la structure de la végétation.
Rôle dans l'écosystème : disperser les graines, aérer le sol
Malgré les dégâts qu'elles peuvent causer, les campagnoles jouent également un rôle important dans l'écosystème. Leurs galeries souterraines contribuent à l'aération du sol et au drainage, ce qui favorise la croissance des plantes. Elles contribuent également à la dissémination des graines, en transportant les graines dans leurs galeries et en les enterrant. Certaines de ces graines germent et donnent naissance à de nouvelles plantes. Il est donc important de trouver un équilibre entre la protection des cultures et la préservation du rôle écologique des campagnoles.
Bien qu'elles soient souvent perçues comme des nuisibles, il est essentiel de reconnaître la valeur des campagnoles dans l'équilibre écologique. Leur activité contribue de manière significative à la santé des sols et à la dissémination des espèces végétales.
Gérer la présence des campagnoles : méthodes de prévention et de lutte (éthiques et respectueuses)
La gestion de la présence des campagnoles doit être envisagée de manière intégrée et durable, en privilégiant les méthodes de prévention et de lutte non-létales. Il est rarement possible, ni souhaitable, d'éradiquer complètement les campagnoles. L'objectif est plutôt de limiter les dégâts qu'elles causent et de favoriser une cohabitation harmonieuse.
Prévention : protéger les cultures
La prévention est la meilleure façon de limiter les dégâts causés par les campagnoles. Il existe plusieurs méthodes de prévention efficaces, telles que l'installation de barrières physiques, la gestion de la végétation et la promotion des prédateurs naturels.
Barrières physiques
L'installation de barrières physiques est une méthode efficace pour protéger les cultures. On peut installer des grillages autour des arbres et des cultures, utiliser des manchons protecteurs pour les jeunes arbres, ou enterrer des filets à fines mailles autour des zones sensibles. Ces barrières empêchent les campagnoles d'accéder aux plantes et de les endommager.
- Grillages : Autour des potagers, des jeunes arbres.
- Manchons : Sur les troncs des jeunes arbres fruitiers.
- Filets : Enterrés autour des bulbes de fleurs.
Gestion de la végétation
La gestion de la végétation peut également contribuer à limiter la présence des campagnoles. Il est important d'éliminer les herbes hautes et les broussailles qui offrent un abri aux campagnoles. Il est également conseillé de favoriser la diversité végétale pour limiter l'attrait des campagnoles pour une seule culture. Par exemple, si vous cultivez des carottes, vous pouvez intercaler d'autres légumes qui ne sont pas appréciés par les campagnoles.
Favoriser les prédateurs naturels
Les prédateurs naturels des campagnoles, tels que les oiseaux de proie, les renards et les chats, jouent un rôle important dans la régulation de leur population. Il est donc conseillé de favoriser la présence de ces prédateurs en installant des nichoirs pour les oiseaux de proie et en créant des habitats favorables aux renards (sans encourager leur prolifération excessive).
Méthode | Avantages | Inconvénients |
---|---|---|
Barrières physiques | Très efficace, durable | Coût initial, installation |
Gestion de la végétation | Écologique, améliore la biodiversité | Nécessite un entretien régulier |
Prédateurs naturels | Écologique, durable, bénéfique pour l'écosystème | Peut être difficile à mettre en place, équilibre délicat |
Méthodes de lutte non-létales : effarouchement et dissuasion
Si la prévention ne suffit pas à limiter les dégâts causés par les campagnoles, il existe des méthodes de lutte non-létales qui peuvent être utilisées. Ces méthodes visent à effaroucher les campagnoles ou à les dissuader de s'approcher des cultures.
Répulsifs naturels
L'utilisation de répulsifs naturels peut être une solution pour éloigner les campagnoles. Le purin de sureau, l'infusion d'ail et le marc de café sont utilisés. L'efficacité de ces répulsifs peut varier considérablement en fonction de facteurs tels que la concentration, la méthode d'application et les conditions climatiques. Par exemple, une infusion d'ail trop diluée aura peu d'effet, tandis qu'une application répétée après la pluie sera nécessaire. Des témoignages de jardiniers suggèrent que la rotation de différents répulsifs naturels peut également améliorer leur efficacité en évitant que les campagnoles ne s'habituent à une seule odeur.
Dispositifs d'effarouchement
Il existe également des dispositifs d'effarouchement qui peuvent être utilisés pour éloigner les campagnoles. Ces dispositifs émettent des sons ultrasoniques ou des vibrations qui sont censés perturber les campagnoles et les inciter à quitter les lieux. Cependant, l'efficacité de ces dispositifs est controversée. Des observations sur le terrain indiquent souvent que ces dispositifs ont un effet limité dans le temps, les campagnoles s'habituant rapidement aux stimuli.
Pièges vivants
Les pièges vivants permettent de capturer les campagnoles vivantes et de les relâcher loin des zones sensibles. Ces pièges sont généralement constitués d'une cage avec un appât à l'intérieur. Lorsque la campagnole entre dans la cage, elle déclenche un mécanisme qui referme la porte. Il est important de vérifier régulièrement les pièges pour éviter de laisser les animaux capturés trop longtemps sans eau ni nourriture. Il est également important de relâcher les campagnoles dans un endroit approprié, loin des habitations et des cultures.
L'importance de la patience et de la tolérance
La gestion des campagnoles est un processus qui demande de la patience et de la tolérance. Il est rare de pouvoir éliminer complètement les campagnoles, et il est souvent préférable de les accepter comme faisant partie de l'écosystème. L'objectif est de trouver un équilibre entre la protection des cultures et la préservation de la faune sauvage.
Cohabiter avec les campagnoles : un équilibre à trouver
Comprendre l'alimentation des campagnoles est essentiel pour une gestion efficace et respectueuse de ces petits rongeurs. En connaissant leurs préférences alimentaires, leurs habitudes et leur rôle dans l'écosystème, nous pouvons mettre en place des stratégies de prévention et de lutte adaptées. Il est important de privilégier les méthodes non-létales, de favoriser la biodiversité et de promouvoir une cohabitation harmonieuse avec la faune sauvage. La clé est l'observation et l'adaptation, en acceptant que la nature a ses propres rythmes et que nous ne pouvons pas tout contrôler. La lutte biologique peut être une des solutions.